Attitude et ritualisation

ATTITUDES ET RITUALISATION POUR UNE PRISE EN CHARGE OSTÉOPATHIQUE DES BÉBÉS

Pour dialoguer avec les tissus des bébés, l’optimisation des sensations est une nécessité… Elle s’apprend, se perfectionne, mais surtout se prépare. Avant même de négocier avec les tissus, il est préférable que le thérapeute mette en place une routine afin d’optimiser les qualités de la rencontre.

Ces attitudes et cette routine * font partie d’un processus thérapeutique qui optimise la visualisation.

L’outil mental au service de la main du praticien

I. Positionnement du thérapeute par rapport à lui-même
Centrage, …d’autres parlent d’ancrage

Dès que le praticien contacte le bébé, que ce soit par le regard, le toucher, la pensée, ce dernier scanne instantanément notre âme. La justesse de cette constatation se vérifie tous les jours, et l’ambiance est parfois « sonore » lors de mes consultations ; en effet, en pédiatrie, si vous ne pouvez pas accéder à 90 % de votre potentiel de disponibilité, vous risquez fort d’en faire les frais acoustiques et de perdre de l’efficacité dans votre travail. L’écoute « neutre et bienveillante » est effective si vous êtes serein et capable d’être ouvert à l’autre. Facile à dire, mais comment faire ?

Remarques et Conseils :

– Les bébés sont des enseignants de la vieille école dans le sens où ils grondent si ça ne leur convient pas. Le bon côté, c’est que leurs intransigeances instinctuelles – et héréditaires – guident le thérapeute pour que ce dernier trouve un bon positionnement. Cette réalité est valable aussi pour les parents novices, et vous avez un rôle d’information à ce sujet qui est indispensable lorsque les pleurs et le manque de sommeil sont les motifs de consultation. L’expérience étant la meilleure des « médications » pour accéder à la sérénité thérapeutique, ne vous découragez pas, la persévérance paie.

– Je vous conseille de tout mettre en œuvre pour ne plus souffrir dans votre chair ; les informations doivent vous venir du sujet, et non de votre structure mal huilée. Une structure raide et douloureuse, fait mauvais ménage avec le traitement de bébés ou d’enfants qui exigent une bonne liberté articulaire, musculaire et de la fluidité dans votre « cadre thoracique » principalement. Faites-vous traiter ou traitez-vous par le yoga, travailler sur votre hygiène de vie et alimentaire, ce sont les conditions qui vous amèneront à être bien dans votre corps et votre esprit – une incarnation idéale.

– Pour les techniques de centrage, elles sont trop personnelles pour que je puisse vous conseiller. Tout comme pour le physique, le mental du praticien ne doit pas interférer dans la relation. Reportez-vous à votre bon sens, ou faites-vous aider (psychologie, sophrologie, coaching, méditation… P. Tricot*)

Exemples de questionnements :

– « J’ai peur de ne pas être capable de percevoir car le bébé bouge, pleure beaucoup et est accroché au cou de sa mère ».

– « Je ne sens pas la maman en confiance quand je touche son enfant, son regard inquisiteur me gène ».

– « Le bébé pleure ; je dois mal faire, ou lui fait mal ».

Comment faire confiance en vos capacités professionnelles si dans votre enfance, vous avez imprimé « les incompétences » que vos parents ont si souvent pointées ? Tout dans l’attitude de cet enfant, et plus particulièrement ses cris, peuvent vous renvoyez à vos souffrances inconscientes.

Ces confrontations, véritables piqûres de rappel peuvent vous déstabiliser dans le cadre de votre profession. Sachez que le parent, présent à la consultation qui subit les pleurs de son enfant est dans cette même dynamique émotionnelle et par conséquent, lui aussi interfère sur la qualité de la séance. Soyez vigilent à tout cela.

Conseils :

– Le centrage a pour objectif de mettre en « mode pause » vos perturbations émotionnelles conscientes et de mettre vos sens subtils au service de votre art pour optimiser la visualisation du bébé. Encore une fois, le risque serait que vous « polluiez » le petit patient avec vos questionnements qui n’ont rien à voir avec son histoire et son traitement. Le risque est de le mettre sur la défensive, ce qui assombrit la lecture tissulaire.

-Trouver la bonne routine psychique afin de vous protéger d’éventuels imputs émotionnels déclenchés au contact du bébé (pleurs, image et interprétation/humanisation de souffrance tissulaire) ou par les parents (anamnèse de la grossesse et de l’accouchement particulièrement éprouvante, comportements du bébé au cours de la séance).

Avec l’habitude, une simple intention peut suffire à chasser les pensées «perturbantes ». Le plus important est de conscientiser qu’au-delà des problèmes inhérents au bébé, nous pourrions, en tant que thérapeute, être un agent environnemental défavorable pour sa détente .

II. Positionnement du thérapeute par rapport à son petit patient
1) L’appui du thérapeute

Le thérapeute assoit ou allonge le bébé, et dans un premier temps, il englobe celui-ci de sa présence physique et mentale.

Vous entendrez par « appui », une présence qui n’est jamais figée, statique. Comme le dit si bien R. Rousse, ostéopathe, cet appui doit rester « pneumatique » même en structurel. Dans le cas contraire, il risque d’être insupportable pour le bébé, c’est-à-dire que votre présence peut être vécue par le bébé comme une agression supplémentaire.

Remarque : Le contact est bien accepté quand il est juste : au bon endroit (porte d’entrée dans le système aurique) et au bon moment (- « j’ai besoin d’aide à ce niveau, mais il faudrait que tu commences ailleurs car je ne puis m’ouvrir là où tu me touches. Je suis tellement saturé sur ce niveau que tes mains m’insupportent »).

a) Sécurisation

Je vous propose de mettre en place, avant même de toucher le bébé, une routine d’approche. Ce protocole est très efficace pour entrer en contact avec le bébé, sans l’agresser bien malgré vous et pour optimiser l’alchimie d’une belle rencontre. La mise en confiance du bébé passe par quelques artifices qui sont peut-être déjà pour vous naturels : Rassurer par la voie, la pensée, le geste, le regard. Le but de ces attentions est de détendre suffisamment le bébé pour qu’il ait envie de vous raconter ses péripéties, et surtout ouvrir à vos mains, des zones qu’il a protégées de façon réflexe, des zones qu’il a mises aux « oubliettes » dans l’urgence d’une situation.

La voie est douce, les mots sont choisis pour rassurer (si cela est nécessaire pour le bébé, vous pouvez être certain qu’il l’est aussi pour le parent et pour les mêmes raisons, complimentez-le… le bébé !).

Ces mots sont destinés au bébé mais aussi aux parents, qui ne perdent pas une miette de la façon dont vous abordez leur progéniture. Vous demandez verbalement ou en infra verbal, l’autorisation de le toucher en lui précisant que c’est pour l’aider. Une fois la communication établie, le contact doit être conservé par la voie, le regard, le toucher ou l’attention tout au long de la séance.

Tout ce que vous direz avec les mots du cœur, touche le bébé et bien sûr le parent (++ la maman) ; puis de nouveau le bébé qui « entend » l’émotion ressentie par le parent (sous forme aurique, ondes électro-magnétiques…).

La fibre maternelle est boostée par le langage subtil du cœur. A vous d’encourager les parents de travailler ce mode de communication avec leurs enfants.

Donc attention au contenu de ce que vous dites car cela peut déclencher chez le parent de l’inquiétude, de la culpabilité, et qui ont un effet « turbo » sur le mal-être du bébé et vous pouvez dire adieu à la détente tant convoitée !

Remarque : Je précise que le bébé ne comprend rien de ce que vous lui dites par les mots. Le bébé est « branché » sur l’émotion qui accompagne ce qui est dit. Les mots ont un sens pour l’adulte, mais pour le bébé ils ne sont que le vecteur de votre état d’esprit; par exemple, si vous vous adressez au bébé et que vous êtes soucieux, ne vous étonnez pas de déclencher des pleurs très rapidement.

Le regard

Le bébé communique dans les deux premiers mois de sa vie, principalement par les yeux. Vous avez certainement remarqué des regards éteints, les yeux ternes, dans le lointain, ou au contraire d’une grande « pétillance ». Les yeux sont une voie d’accès qui en dit long sur l’état général du petit patient.

Remarques : A quelques jours, alors que leur vision n’est pas parfaite, le bébé suit sa mère du regard ; il la reconnaît, sans la voir vraiment. Certains d’entre eux sont dans un tel « mal-être » interne qu’ils ne peuvent pas avoir accès à l’environnement extérieur, même proche. Ces bébés ne vont pas chercher les yeux de leur maman. Certains parents pensent en secret à une cécité.

Le dialogue par les yeux est un moment d’intimité exceptionnel. Si vous désirez entrer dans cette intimité, il va vous falloir montrer « patte blanche », car ce que protège le bébé est bien gardé et enfoui : Ce sont des secrets souvent douloureux physiquement et émotionnellement. Encore une fois il est très important de mettre toutes les chances de son côté pour ne pas passer à côté du dialogue. Un conseil, préparer votre cœur à cette rencontre.

Le geste

Encore du geste technique ; c’est plutôt le geste familier et tendre, adapté à l’âge du bébé. Il signifie que vous ne lui voulez que du bien. Ce geste doit donc rester à distance des endroits susceptibles de déclencher une attitude de défense. Les zones à éviter, en prime abord, sont celles qui auraient pu faire l’objet d’agressions traumatiques, comme : la plante des pieds, la région ombilicale du ventre, la région vertébrale des dorsales, la face antérieure du cou, l’orifice supérieur du thorax, le crâne.

Après ces recommandations, à vous de choisir les gestes qui vous parlent pour rassurer (caresses, baisers…), ils seront bien sûr mesurés, afin ne pas de choquer la famille.

Conseils :

– Si malgré votre approche, intime, respectueuse et sincère, le bébé a une attitude de défense, posez- vous la question : « Pourquoi, ce manque de confiance, cela vient-il de moi, d’un parent, c’est par rapport à mon attitude ou à celle du bébé ? ».

– Propositions en fonction de l’âge : « En temps normal », le bébé jusqu’à 4-5 mois, est heureux que l’on s’occupe de lui. Au-delà de cet âge béni, la maturation de son matériel psychique passe par une phase de « peur de l’étranger » qui peut s’étendre jusqu’à 3 ans. En fait cette phase semble dépendre de « l’état fusionnel » de certains parents.

Plus la maman est « protectrice », pour des raisons qui lui appartiennent – pensez à l’hospitalisme – plus l’enfant risque d’être extrêmement craintif en présence d’un étranger.

Parfois dans l’anamnèse, les parents omettent de préciser que le bébé a fait un séjour à l’hôpital. Hors, les bébés hospitalisés sont très craintifs.

Dans ces deux cas, vous préparerez des jouets ou simplement des objets, adaptés à leur âge et qui par, leur texture, leur couleur, leur forme sont susceptibles de les distraire. Il est préférable que ce soit un des parents qui leur présente. En fait, vous leur trouvez un substitut qui détourne leur attention, mais ceci ne doit pas vous empêcher de leur demander l’autorisation de les toucher physiquement.

La pensée et l’Esprit

Votre âme de thérapeute se matérialise par la pensée. Si la pensée guide la voix, le regard et le geste, l’action thérapeutique sera puissante dans ses effets. Cet aphorisme se doit d’être pragmatique et le thérapeute, en conscience et dans sa pratique quotidienne, s’en rappellera.

Conseils : lorsque vous êtes témoin d’une logorrhée outrencielle maternelle de vous interroger sur l’éventualité d’une perturbation psychique qui empêcLerait l’expression de son instinct maternelle. Parfois le fait de pointer l’excès suffit pour une prise de conscience efficiente. Vous rassurez par vos fondations sécurisantes personnelles, votre maitrise professionnelle, et les parents venant en général par le « bouche à oreille », vous sont d’une certaine façon, acquis. C’est un postulat de départ qui engage l’effet « placebo ».

Fort de cette assurance (plus forte de jours en jours), vous allez vous fondre mentalement dans votre petit patient. Vous êtes, par votre esprit, une présence douce et subtile. Votre présence est bien mieux tolérée si vous êtes invités. Cela présuppose que vous éveillez chez le bébé de la curiosité et qu’il ait envie de vous connaitre. J’emploie souvent la métaphore des poissons qui sont attirés par une présence étrangère dans leur milieu naturel aquatique, car les bébés font de même par vos appuis mentaux et physiques.

L’esprit est « l’outil » thérapeutique qui répond à tous les critères nécessaires à une belle rencontre*.

Conseils :

– N’imposer pas votre présence et faites confiance à la puissance de votre esprit qui sera accueillie plus favorablement qu’un geste imposé avec force ; c’est par cette attitude «homéopathique » que vous pourrez vaincre ce qu’il y a de plus fermé.

– L’esprit (Esprit de Still) n’est pas intellectuel. Il part d’une zone particulièrement énergétique de notre être et est elle-même insufflée par des instances supérieures. Vous seuls êtes à pourvoir la localiser. Pour certains cette zone est là où se trouve « l’âme », le cœur émotionnel ou le « tchi ». Elle s’infiltre dans votre patient par vos mains, votre voix, votre regard, vos pensées, vos intentions.

Remarques : Faites-en l’expérience chez l’adulte : vous avez un appui sur une zone dense. Vous dirigez la mentalisation d’une rencontre entre votre appui et la présence du patient que vous aurez préalablement guidé jusqu’à vous dans un cheminement interne. Vous serez surpris des effets de détente dès que sa présence arrivera sous votre fulcum.

Diriger un bébé de cette façon est impossible et non nécessaire puisqu’il est d’un naturel « curieux » de tout ce qui entre en communication avec lui (sous certaines conditions !).

b) Appui physique et mental pour une visualisation

– Votre présence physique est « enveloppante » ; une grande majorité de bébés aime se sentir « contenu », aussi allez-vous vous faire « utérus » autour du bébé. Vous adapterez la puissance de votre « enveloppement » en fonction de la réaction du bébé (un bébé préférera pour se détendre un enveloppement « musclé », un autre, la douceur d’une présence subtile) ou de ce que vous voulez obtenir (comme par exemple une fuite, si votre stratégie est d’obtenir une réaction chez un bébé installé trop « confortablement » dans ses protections).

– Votre présence mentale est « infiltrante ». Cette démarche mentale est évolutive en fonction de la sensibilité et du niveau d’écoute de chacun d’entre vous. Vous vous projetez à l’intérieur de cet « utérus » et vous vous mêlez au liquide amniotique qui fut autour et à l’intérieur du bébé. Faites-vous le plus invisible et le plus fluide possible afin de traverser les barrières tissulaires. Il s’agit de faire plus qu’un avec les liquides internes de votre petit patient (80% d’eau).

Ainsi, cette énergie de pensée que le bébé accepte (s’il le peut et s’il le veut), associée au geste physique à la fois très intime et global, permettent la visualisation d’un contenu fluide et transparent et qui physiquement devrait, vu l’âge du bébé, être compressible et étirable sans frein. C’est très rarement le cas !

Remarque :

– Ce qui me pousse à dire que tous les bébés, à leur naissance, mériteraient une visite de contrôle, c’est que 99 % d’entre eux n’ont pas la compressibilité et l’élasticité après la naissance à l’image d’un accordéon. Du fait de leur très jeune âge, le bon sens serait d’évoquer les contraintes de la naissance et les tensions intra-utérines.

Cette attitude préalable au traitement est à la fois « structurelle » par la présence physique et plus « fonctionnelle » par la présence mentale. Je vous encourage à conserver un équilibre entre « vos » deux présences (penser et faire ou faire en pensant, bien rester en balance entre les deux), afin de vous ajuster très finement à la demande tissulaire.

c) Localisation

C’est en déplaçant vos mains, associé à la visualisation et aux tests de traction/compression que vous aller repérer une ou plusieurs zones particulièrement denses.

L’action diagnostique est une impulsion (l’intention peut suffire) qui passe par les mains du thérapeute qui peut ou ne peut pas, être absorbée par le tissu dense. L’émission d’une onde en écho ou non, donne sens à ce geste/ test, la mentalisation visualise l’endroit de la zone « dense » si vous êtes en compression ou d’accrochage si vous êtes en traction. Il se peut que vous ne puissiez ni comprimer, ni tracter.

d) Buts

Les buts de cette routine préalable, de tous ces appuis globaux et spécifiques, de toute cette attention particulière du thérapeute qui est mise à la disposition du bébé, sont de lui donner :

1. La possibilité et l’envie de se « détendre » malgré les peurs, pour accepter la rencontre avec vous.

2. De favoriser l’expression de la puissance de santé ce qui est une bonne voie pour l’auto guérison

3. Si rien de tout cela n’est possible, de mettre en place une stratégie thérapeutique modulable en fonction de ses réactions. Qui d’autre que ses tissus sont capables de savoir ce dont ils ont besoin pour retrouver un équilibre ?

…. Puis il y a le traitement à proprement parler.

Bonne pratique,

Cordialement,

Arnaud LAFORGE